Bulletin de la Société Paul Claudel, n°225

Sommaire

Paul Claudel
Jirô à la recherche de son âme, 9

Shinobu Chujo
Le Peuple des hommes cassés et Yoshio Yamanouchi, 15

Emmanuelle Kaës
1925 : une définition de l’image par Claudel, 29

Olivier Belin
Quand le banquet tourne mal.
Les surréalistes contre Paul Claudel en 1925, 43

Pascal Lécroart
Visages de Claudel.
L’année 1925 à travers sa correspondance, 61

Michel Wasserman
1925 : l’année de congé statutaire de l’ambassadeur de France au Japon, 81

Michel Lioure
Claudel et Gide : le dernier dialogue, 89

Marie-Victoire Nantet
Un été au Château de Lutaine, 95

Michael Donley
Le voyage de Paul Claudel en Angleterre. Octobre 1925, 99

THÉÂTRE

Inna Nekrassova
Deux Annonces… jouées au loin, 109

ACTUALITÉS

Vitez, Claudel : Le Soulier de satin (Évelyne Lecucq), 121

Paul Claudel – Japon : regards croisés (Ayako Nishino), 122

L’ambassadeur-poète Paul Claudel et le Japon (Michel Wasserman), 124

Paul Claudel: The World is One / Paul Claudel poète de l’unité du monde.
Colloque de l’Université de Chicago, 126

ANNONCES

Cent cinquantenaire de la naissance de Paul Claudel, 131

Résumés/Abstracts, 135

 

1925 : une définition de l’image par Claudel

Jules Renard dans son Journal intime dit à peu près à propos d'une lecture de ma traduction d'Agamemnon qu'aux images vaguement belles il faut préférer les images exactes. C'est une remarque tout à fait appropriée à sa nature de visuel et de calligraphe. On peut répondre : qu'est-ce qu'une image exacte ? une image est toujours forcément un à-peu-près, une analogie partielle. Différentes sortes d'images. On peut par une chose matérielle suggérer une autre chose matérielle, par exemple je compare la lune à une navette. Toutes les images de Renard sont de ce genre. Ou bien l’on peut par une image matérielle suggérer une chose spirituelle : l’étendue de son intelligence, la tempête des Révolutions. L’intérêt de l’image n’est plus son exactitude mais la force, l’envergure qu’elle apporte à l’idée, en la rendant perceptible aux sens. Il y a plus en nous qui est ébranlé, qui est sensible à l’idée. L’image réunit 3 avantages : une idée si complexe qu’il serait sans doute difficile de la faire entendre directement, une émotion plus grande, s’adressant à un domaine perceptif plus étendu, l’utilisation comme par référence à un dictionnaire de ce monde physique qui nous entoure. Dans le dictionnaire aussi aucun mot ne répond exactement à ce qu’il signifie. C’est un signe et non pas une réduction. L’image peut avoir pour but d’échauffer, d’émouvoir l’auditeur, de le faire sentir et penser davantage. (J. I, p. 698-699)

Le jugement de Jules Renard sur les images de Claudel que celui-ci redécouvre à la fin de l’année 1925 est daté du 7 mars 1895. Il était formulé en ces termes :

Chez Pottecher, à Bellevue, Claudel nous lit sa traduction littérale de l'Agamemnon d'Eschyle. Il s'est d'abord fait prier assez modestement, puis il commence, de sa voix de machine à parler, et ses lèvres s'ouvrent comme des éclairs de chaleur. Sa tête est d'un ton cendré. Il a l'air d'avoir brûlé. Il admire ou déteste avec gaminerie. Il dit : « – Il n'y a rien de plus beau au monde que le théâtre chinois. Quand on a vu ça, on ne peut plus rien voir. » Puis il nous lit une correction de Tête d'Or, qu'il refera toute sa vie. – Vous avez raison, lui dis-je. Nous devrions, chaque année, au printemps, passer un mois à corriger notre œuvre. Je lui dis qu'il se grise d'images, et qu'il ne faut confondre l'image vaguement belle avec l'image exacte, bien supérieure1.

En contradiction avec le parti-pris littéraliste du traducteur que Renard prend pourtant soin d’indiquer (« Claudel nous lit sa traduction littérale de l'Agamemnon »), la référence à la « griserie » suggère une faute d’auteur, un abus des images moralement condamnable. Ces réserves émanant d’une figure centrale du monde des lettres des années 1890 déçoivent sans doute un Claudel qui admirait alors Jules Renard et sa « vision précise et concrète des choses » : « Je m’étais pris pour son talent d’une vive admiration2 » dira-t-il. La méditation sur l’image que suscite en retour cette critique prend place dans une réflexion très ancienne sur la métaphore dans l’Art Poétique et sur « le don d’image » du poète catholique. Cependant, cette note de décembre 1925 offre un « moment » singulier de la pensée claudélienne. L’affirmation de la poétique catholique de l’image cède la place à une réflexion de technicien : aucune référence explicite à la Création, au Liber scriptus ou aux mondes visible et invisible. C’est moins une ontologie ou une théologie qu’une rhétorique de l’image qu’esquisse le poète dans l’espace privé du Journal, en dialogue avec les théories poétiques contemporaines.

Un texte situé

Une première donnée historique éclaire cette note, qui se livre dans son contexte d’amont et d’aval : il est fortement marqué par le couple que forment Raïssa et Jacques Maritain, intellectuel catholique, converti, qui élabore sa pensée philosophique à partir d’Aristote et de Thomas d’Aquin dont Claudel se réclame aussi. Deux noms d’auteurs publiés par Maritain encadrent cette note. Le poète indique juste avant : « Visite de Cocteau converti. Figure inquiète, sensible et fine, des yeux maintenant pleins de lumière. Emploi continuel de comparaisons que je ne peux pas suivre » (J. I, p. 698). Le retour de Cocteau à la foi de son enfance a été guidé par le couple Maritain. Et Claudel consigne immédiatement après cette réflexion sur l’image : « Noël, visite chez Maritain à Meudon où je vois le jeune Juif converti par Copeau, Sachs, qui va entrer au séminaire (!!) » (J. I, p. 699). C’est le couple Maritain (et non Copeau) qui amène Maurice Sachs à la conversion puis au séminaire, qu'il quittera rapidement. Cocteau et Sachs publieront tous deux dans la nouvelle collection du « Roseau d’Or » chez Plon. Fondée et dirigée par Jacques Maritain, elle se donne pour objectif la conciliation de la « spiritualité catholique » et des « formes neuves » d’art3. Le premier volume des Chroniques est paru quelques jours avant cette note le 1er décembre 1925. Il s’ouvre sur cette profession de foi :

Réunir pour un témoignage commun des écrivains par ailleurs très différents les uns des autres, voire opposés, rassemblés cependant par un souci spirituel très supérieur à toute littérature, tel est le dessein de cette nouvelle collection […] « Le Roseau d'Or » se propose dans le domaine de l'art de discerner dans quelque région que ce soit, ce qui porte un signe de pureté et d'authenticité4.

Il comprend la première journée du Soulier de satin de Claudel et des textes de Jean Cocteau, Stanislas Fumet, Charles Ferdinand Ramuz, Max Jacob et Reverdy. Le voisinage de ces deux poètes inspire à Claudel des propos peu amènes. Dans une lettre à S. Fumet du 15 octobre 1926, il reprochera à Maritain d'accueillir des poèmes de Reverdy et de s'entourer au Roseau d'Or « d'une bande de toqués5 » (le numéro en question comprend des poèmes de Max Jacob, N. Berdiaeff, et Daisy Ashford, traduite par Maurice Sachs). Gérald Antoine cite une autre missive de même tonalité : « depuis longtemps le doux Maritain me galope sur le système. […] Voilà où conduit le snobisme, le goût de la réclame, le mauvais français et les sympathies surréalistes6 ! » Enfin, en 1937, pendant la guerre civile espagnole, alors que Claudel reproche violemment à Maritain de ne pas soutenir le camp nationaliste, il écrira à son sujet : « Quand il dirigeait Le Roseau d'Or, il embrumait tous les numéros des productions d'un certain Reverdy et il a toujours réservé sa tendresse aux insanités des Breton, Éluard, d'ailleurs dégoûtants anarchistes et à leurs congénères de la peinture ». L’un des poèmes de Reverdy publié dans cette première Chronique est le poème en prose « L'Âme en péril » qui fait partie de Lueurs de braises du couchant. Quant au texte de Cocteau, il s’agit du récit de sa conversion, « La jeune fille qui dort ». Le cardinal Journet, que Claudel a rencontré lors de sa récente tournée en Suisse et qu’il mentionne le 15 décembre dans son Journal8, écrit à Maritain :

J'ai feuilleté les chroniques du Roseau d'Or. J'ai aimé Cocteau « La jeune fille qui dort » (je ne comprends pas les trois bras paresseux mais on voit bien que c'est son récit de conversion). Reverdy n'est pas transparent, c'est sûr ! mais « l'âme en péril » me plaît : c'est du Rimbaud moins la luxure, et c'est déjà quelque chose9.

On notera la convergence des observations du cardinal Journet, qui ne « comprend pas » l’image des « trois bras » dans le récit de Cocteau, avec celles de Claudel sur l’obscurité des images dans sa conversation, Claudel qui consigne dans son Journal : « Emploi continuel de comparaisons que je ne peux pas suivre ». Ainsi, tout indique que « Le Roseau d’Or » est perçu par l’auteur du Soulier de satin comme un espace de médiation, d’échange et d’interaction entre le surréalisme et le catholicisme : les « jeunes poètes » publiés dans la collection de Maritain, Jacob, Reverdy ou Cocteau, tentent de concilier « souci spirituel » et modernité d’une écriture poétique dans laquelle l’image occupe une place capitale.

Durant l’année 1925, les surréalistes ont occupé une place centrale dans la vie littéraire. Rappelons que le Manifeste du surréalisme est paru en octobre 1924. Érigée en absolu, l’image constitue « la réalité suprême10 ». Le 1er juillet 1925, soit quatre mois avant cette note, c’est au tour de la « Lettre ouverte à M. Paul Claudel, Ambassadeur de France au Japon ». L’invective (« Écrivez, priez et bavez ; nous réclamons le déshonneur de vous avoir traité une fois pour toutes de cuistre et de canaille ») y répond à la provocation tranquille de Claudel qui affirmait dans l’interview qu’il donne au journal italien Il Secolo, reproduite en France par Comœdia le 24 juin 1925 : « Quant aux mouvements actuels, pas un seul ne peut conduire à une véritable rénovation ou création. Ni le dadaïsme, ni le surréalisme qui ont un seul sens : pédérastique ». Quand, à l’automne 1925, Claudel publie son essai sur le vers dans la Nouvelle Revue Française, les débats sur Dada et le surréalisme divisent la revue. En mars 1925, Albert Thibaudet était intervenu avec « Du Surréalisme », article dans lequel il condamne l’abus des images chez les poètes surréalistes (comme Jules Renard le faisait au sujet de Claudel trente ans plus tôt) et la « démission de l’esprit » produite par le rêve et l’automatisme : « Le surréalisme, c’est la facilité, l’immense facilité des rêves ». Et il cite Aragon célébrant la toute-puissance des images dans Une vague de rêves : « Nous étions devenus leur domaine, leur monture. Dans un lit au moment de dormir, dans la rue les yeux grands ouverts, avec tout l'appareil de terreur, nous donnions la main aux fantômes11. » À la toute fin des Réflexions et Propositions, achevées en janvier et publiées très peu de temps avant cette note (les 1er octobre et 1er novembre 1925), Claudel s’en prenait lui aussi, dans une brève et unique remarque, à la prééminence de « l’image visuelle » dans la poésie surréaliste. Les images isolées, encadrées « comme dans des cartouches », sont soustraites au continu du discours et de la syntaxe :

Autant que je puis m’en rendre compte d’ailleurs, les jeunes écrivains les plus intéressants ne marchent nullement dans la direction que je crois la bonne. Les questions musicales paraissent leur être devenues étrangères, ils sont obsédés par des images visuelles qu’ils plaquent l’une à côté de l’autre sur un mur, inscrites comme dans des cartouches (Pr., p. 42),

les « questions musicales » renvoyant ici à la syntaxe et à la prosodie du poème12. Henri Meschonnic acquiescera à ce jugement de Claudel : « Les surréalistes ont cette particularité remarquable de tout mettre dans l'image, et de ne pas, sauf erreur de ma part, penser le rythme13. » Cette longue note du Journal peut donc se lire comme un complément et un approfondissement, non polémique, de la brève remarque de l’essai sur le vers paru un mois plus tôt.

Une réponse aux « jeunes écrivains » ?

Dans un passage célèbre du Manifeste du surréalisme paru trois mois avant cette note, André Breton cite la définition de l’image que donnait Pierre Reverdy dans son article « L'image » (Nord-Sud, n° 13, mars 1918) : « L’image est une création pure de l’esprit. Elle ne peut naître d’une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités seront lointains et justes, plus l’image sera forte – plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique14 ». Un peu plus loin, l’auteur du Manifeste révoque le critère reverdyen de « justesse » au profit de celui du « degré d’arbitraire le plus élevé15 ». Le vocabulaire de Claudel dans cette note nous semble révélateur de cette ouverture aux problématiques du présent de la poésie : à l’instar des poètes contemporains, Claudel emploie exclusivement le terme d’« image16 » et pas une seule fois celui d’« analogie » ni de « métaphore » utilisé dans l’Art Poétique17. Avant d’être une figure, résultant d’un processus créatif, celle-ci dit la métaphoricité originaire du monde. Antérieure à la langue humaine, la métaphore est pour Claudel un rapport qui existe dans la Nature et qui unit chaque chose « avec toutes les autres ». Dans sa note de 1925, « l’image » recouvre à la fois la comparaison (elle est envisagée comme processus et non comme structure : « quand je compare… ») et la métaphore (il donne comme exemple « l’étendue de son intelligence »), mais il ne fait aucune différence entre les deux18, contrairement à Breton qui survalorise la métaphore. Dans une convergence étonnante avec le propos de Claudel, la disqualification de la comparaison dans le Manifeste fait surgir le nom de… Jules Renard. Breton écrit : « La valeur de l'image dépend de la beauté de l'étincelle obtenue ; elle est, par conséquent, fonction de la différence de potentiel entre les deux conducteurs. Lorsque cette différence existe à peine comme dans la comparaison, l'étincelle ne se produit pas19. » Le mot « comparaison » est suivi de cette note : « Cf. l’image chez Jules Renard ». L’auteur d’Histoires naturelles exemplifie donc pour Claudel comme pour Breton, l’image banale, congruente ou « exacte ».

Enfin, l’image n’est pas envisagée dans cette note comme un moyen spécifique de la poésie – le mot n’est pas employé une seule fois – et le moins que l’on puisse dire est que les exemples d’image que donne Claudel ne se caractérisent pas par leur originalité. Ni impertinence sémantique, ni effet d’iconicité, ces images relèveraient plutôt de la métaphore usée : la « lune »-« navette », « l’étendue de son intelligence », « la tempête des Révolutions », images anonymes et non images de poètes (encore que, selon Claudel, toutes celles de Renard « sont de ce genre »), clichés tout prêts à être reversés dans la langue, bien éloignés, en tout cas, du fantastique et du merveilleux des exemples surréalistes cités par Breton dans le Manifeste (« le rubis du champagne », « sur le pont la rosée à tête de chatte se berçait20 »), comme si Claudel situait son propos en dehors de toute interrogation directe sur la valeur poétique de l’image.

Une rhétorique de l’image

À l’instar de Breton dans le Manifeste, Claudel, dans cette note très didactique, propose une typologie des images : « Différentes sortes d'images21 ». Elles sont classées sémantiquement en fonction des propriétés notionnelles du comparé et du comparant mais la syntaxe n’est pas prise en compte : le poète oppose le concret à l’abstrait, qu’il nomme respectivement « chose matérielle » et « chose spirituelle », donnant à cet adjectif son sens premier de « qui n’appartient pas au monde physique » et non sa valeur religieuse (« l’intelligence » et « les Révolutions » sont donc ici des « choses spirituelles »). Le processus de la signification se voit désigné d’un mot hérité de la poétique symboliste, plus précisément mallarméenne, le « suggérer » : « l’on peut par une image matérielle suggérer une chose spirituelle ». Ce verbe décrit en réalité la relation analogique entre les deux pôles de la métaphore : dans « l’étendue de son intelligence », le substantif concret « étendue », qui est le terme métaphorique du syntagme, « suggère » la chose spirituelle qu’est « l’intelligence » dans le cadre de la métaphore déterminative.

Replacée dans l’ensemble de son discours sur l’image, la réflexion de Claudel en 1925 présente cette singularité de n’être ni théologique ni véritablement esthétique. Elle se déploie en dehors de toute référence à l’art, au « don » ou à l’« inspiration », alors que le poète écrivait dans l’« Introduction à un poème sur Dante » en 1921 :

L’inspiration poétique se distingue par les dons d’image et de nombre. Par l’image, le poète est comme un homme qui est monté en un lieu plus élevé et qui voit autour de lui un horizon plus vaste où s’établissent entre les choses des rapports nouveaux, rapports qui ne sont pas déterminés par la logique ou la loi de causalité, mais par une association harmonique ou complémentaire en vue d’un sens (Pr., p. 422).

Sa réflexion est ici fondamentalement rhétorique au sens où elle définit un art d’agir par la parole. L’image relève d’une technique, d’un savoir-faire volontaire. Claudel prend ainsi le contrepied de la valorisation de l’automatisme et de « l’arbitraire » surréaliste de l’image qui garantissent la dimension inconsciente de la création22. L’objet de l’analyse de Claudel est l’image en tant que discours efficace, ayant un impact sur le destinataire : « dire en images, c’est faire » semble dire l’écrivain. Comme toute rhétorique, sa théorie fait fond sur une anthropologie : l’image est une opération qui engage l’intellect, la perception et les affects. De cette perspective d’efficacité rhétorique témoigne l’emploi du terme « avantage » (« l’image réunit 3 avantages ») impliquant l’idée d’un service, d’un gain pragmatique. Parce qu’elle trouve son origine dans la critique des images renardiennes (qui vont du concret au concret), toute l’analyse de Claudel se déploie à partir du pôle « matériel » de l’image : il s’interroge sur l’efficacité pragmatique de la référence au monde physique dans l’énoncé imagé, à la fois dans l’ordre de la conviction (transmettre efficacement l’idée) et de la persuasion (« émouvoir l’auditeur »). De ce point de vue et quoi que Claudel ait pu dire de la rhétorique, sa typologie renoue en partie avec les visées traditionnelles du docere et du movere (« l’idée » et « l’émotion »).

Le premier « avantage » de l’image selon Claudel est de produire une intensification de ce que l’esprit conçoit : « L’intérêt de l’image n’est plus son exactitude mais la force, l’envergure qu’elle apporte à l’idée ». Cette formulation présente une ressemblance troublante avec l’évocation par Breton, dans la première page du Manifeste, de « l’homme » privé de « l’imagination ». Sans elle, écrit-il, « toutes ses idées » « manquent d’envergure » : « c’est qu’il appartient désormais corps et âme à une impérieuse nécessité pratique, qui ne souffre pas qu’on la perde de vue. Tous ses gestes manqueront d’ampleur, toutes ses idées, d’envergure23. » Claudel déplace ainsi le cadre de sa réflexion sur l’image de la question de la référence (« l’exactitude » renardienne, qu’il appréciait autrefois) vers celle de la « force illocutoire » (la communication efficiente de l’idée au destinataire). Cette intensification intellectuelle produite par l’image sollicite la capacité descriptive du langage : « L’idée est rendue perceptible aux sens ». Sur ce point encore, l’analyse de Claudel prolonge la tradition rhétorique qui voit dans la métaphore un moyen de donner à des entités abstraites la vie et le mouvement du monde physique. À partir d’exemples très proches de ceux du poète (cf. « l’étendue de son intelligence »), Augustin Pellissier indiquait dans ses Principes de rhétorique :

C'est ainsi que nous disons : La pénétration de l'esprit, la rapidité de la pensée, la chaleur du sentiment […] La métaphore a pour effet de donner la vie et le mouvement du monde physique même aux choses et aux faits du monde moral. Grâce à elle tout prend un corps, un visage : l'homme brûle de colère, sèche d'envie et s'endurcit contre la douleur, etc24.

Le second « avantage » rhétorique de l’image selon Claudel est l’intensification de l’émotion : « une émotion plus grande, s’adressant à un domaine perceptif plus étendu ». Les verbes choisis, « ébranler », « échauffer », « émouvoir », sont autant de déclinaisons du movere rhétorique. Absente de sa réflexion antérieure25, la référence à l’émotion semble prendre acte de l’affirmation de « la puissance émotive » de l’image par Reverdy en 1918 puis par Breton citant Reverdy. L’émotion est en effet donnée comme la finalité suprême de l’image dans l’article de mars 1918 (ce passage précis ne sera pas cité par Breton en 1924) :

Ce qui est grand ce n'est pas l'image – mais l'émotion qu'elle provoque ; si cette dernière est grande on estimera l'image à sa mesure. L'émotion ainsi provoquée est pure, poétiquement, parce qu'elle est née en dehors de toute imitation, de toute évocation, de toute comparaison. Il y a la surprise et la joie de se trouver devant une chose neuve26. ‪

Chez Claudel cependant, ni l’image ni l’émotion qu’elle suscite ne sont « purement poétiques », dans le suspens de toute référence, comme chez Reverdy.

La référence à « l’auditeur » dans cette note (« L’image peut avoir pour but d’échauffer, d’émouvoir l’auditeur ») pourrait indiquer l’ancrage rhétorique – oratoire – de sa réflexion. Elle doit surtout, nous semble-t-il, être comprise comme le signe d’une pensée orientée vers l’image au théâtre, elle-même appelée par les réserves de Jules Renard sur la langue dramatique de Claudel. Les trois « avantages » de l’image – sa puissance émotive, la convocation du monde physique et sa capacité à rendre compte d’« idées » très « complexes » – sont parfaitement illustrés par le travail de l’image dans la langue du Soulier de satin analysé par Antoinette Weber-Caflisch. On peut songer par exemple à la dynamique des images combinées de l’eau et de la lumière, des contenants et des contenus, dans les dernières répliques de la scène 10 de l’acte III où la transformation spirituelle de Prouhèze a lieu par l’image :

Don Camille – Ah ! cessez d’être une femme et laissez-moi voir sur votre visage enfin ce Dieu que vous êtes impuissante à contenir,
Et atteindre au fond de votre cœur cette eau dont Dieu vous a faite le vase !
Dona Prouheze – Non, je ne renoncerai pas à Rodrigue !
Don Camille – Mais d’où viendrait autrement cette lumière sur votre visage27 ?

« La lumière qui se répand sur le visage de Prouhèze est à la fois présentée comme la métaphore de cette opération et représentée comme son résultat effectif par le jeu de scène que suppose ce discours28 ». L’image permet de dire ce « qui sans elle resterait à jamais informulé29 » ou, dans les termes de Claudel, elle rend une idée si complexe qu’il serait sans doute impossible de la faire entendre autrement.

L’image, « un à-peu-près »

Dans sa réflexion sur les processus sémiotiques à l’œuvre dans l’image, Claudel pose comme constitutif le principe de l’inadéquation : « une image est toujours forcément un à-peu-près, une analogie partielle », sans qu’il ne nomme précisément les deux termes de ce rapport. Le poète semble viser ici l’intersection sémique entre comparant (« la tempête ») et comparé (« les Révolutions ») qui vient réduire l’impertinence sémantique initiale et saisir l’identique dans la différence. Cette définition récuse « l’image exacte », le « goût de l’image juste, mathématique » revendiqués par l’auteur de Poil de Carotte et valorise un mode de signifier hérité de la poétique symboliste qui fait appel à l’allusion, à l’ambiguïté et à l’incomplétude. Le rôle à la fois sémiotique et esthétique de la non-coïncidence s’affirmera dans « Le Poète et le Shamisen », composé en juin 1926. Claudel y indique qu'il « n'y a pas de ligne droite au Japon, mais une série d'approximations exquises presque jusqu'à s'y confondre » (Pr., p. 831). Et cette note du Journal, quelques mois plus tard, va dans le même sens : « inconvénient de se placer en face d’une chose pour l’exprimer au lieu de la laisser intervenir par voie d’allusion » (octobre 1926, J. I, p. 738). À la fin de sa réflexion sur l’image de 1925, Claudel généralise ce principe d’inadéquation au fonctionnement général de la référence linguistique : « Dans le dictionnaire aussi aucun mot ne répond exactement à ce qu’il signifie. C’est un signe et non pas une réduction ». L’image telle que la conçoit le poète prend donc acte de la perpétuelle inadéquation du discours à l’objet qu’il vise, discours qui n’est pas – c’est là un point essentiel – spécifié comme poétique. Déjà dans sa lettre à l’abbé Douillet du 10 mai 1922, Claudel s’attachait à la manière dont s’articulent le langage et la perception dans les énoncés les plus courants, en usant de ce même terme d’« approximation ». La continuité de la réflexion est patente :

Nous n’avons qu’à regarder un objet quelconque, disons un fruit, et nous nous apercevrons aisément que notre définition n’arrive jamais à épouser l’objet, que notre perception est plus riche que les moyens que nous avons de l’exprimer. Toutes les définitions ne sont qu’un jeu d’approximations autour d‘une réalité substantielle qui nous échappe30.

La pensée de Claudel dans cette lettre suivait un mouvement qui est exactement celui de sa note sur l’image en 1925 : celui d’une « remontée » de la poésie vers la langue commune, de la question de l’abbé Douillet sur son style – « Pourquoi n’écrivez-vous pas comme Racine ? » – au processus linguistique à l’œuvre dans la « définition » d’un fruit posé devant soi. L’expérience de la perception visuelle de l’objet est une expérience ordinaire, l’objet est « quelconque » et les « moyens d’expression » sont communs. Ainsi, à l’instar de l’ensemble des procédés expressifs, les « images » ne sont pas pour le poète des formes « anormales » ou saillantes, elles sont au contraire inscrites régulièrement dans la langue (ce que dit aussi, d’une certaine manière, le choix de métaphores « usées »). Cette pensée de l’image s’intègre donc de manière cohérente dans la conception claudélienne d’un langage poétique en continuité avec la parole commune. À l’instar du « suggérer » à l’œuvre dans l’image, cette valorisation du « signe » contre la « réduction » est la trace de l’enseignement de Mallarmé. Le sens n’advient pas dans la nomination univoque et parfaitement refermée sur son objet mais par le « jeu » du discours. Fort tard, dans ses Mémoires improvisés, Claudel reviendra sur ce face-à-face du sujet et du monde réel (qu’il nomme le « spectacle » ou la « chose ») éclairé par la parole rapportée de Mallarmé :

Moi, il m’a dit : « Ce que j’apporte dans la littérature, c’est que je ne me place pas devant un spectacle en disant : “Quel est ce spectacle ? Qu’est-ce que c’est ?”, en essayant de le décrire autant que je peux, mais en disant : “Qu’est-ce que ça veut dire ?” » Cette remarque m’a profondément influé et depuis, dans la vie, je me suis toujours placé devant une chose non pas en essayant de la décrire telle quelle, par l’impression qu’elle faisait sur mes sens ou sur mes dispositions momentanées, mes dispositions sentimentales, mais en essayant de comprendre, de la comprendre, de savoir ce qu’elle veut dire31.

De cette définition de l’herméneutique claudélienne, on peut tirer quelques conséquences sur l’image : « décrire telle quelle » la chose correspondrait à l’image « exacte » de Jules Renard, qui manque de sens ; « savoir ce que veut dire » la chose implique que par l’image, elle se voit placée dans un ensemble de rapports, horizontaux et verticaux, qui lui confèrent son intelligibilité.

Cette question, décidément, taraude Claudel. Il la reprend exactement dans les mêmes termes dans une lettre à Léon Guichard du 26 décembre 1930 qu’il recopie dans son Journal. Il revient aussi au point de départ du Journal de Jules Renard :

Il y a dans le Journal un paragraphe intéressant sur la métaphore et l’image, à propos de mes traductions d’Eschyle. […] Renard ne concevait l’image que comme un objet concret reflétant un autre objet concret. La fourmi ressemble au chiffre 3, etc. Soit, mais cela ne va pas très loin. Il y a une autre forme de l’image qui en fait un instrument de connaissance et surtout de découverte supérieur encore au syllogisme ! c’est l’analogie dont S. Bonaventure a donné la formule.
Dans Renard : a = b en donnant au signe = sens non pas d’égalité mais de valeur.
Dans S.[aint[ Bonaventure :
 a        c
— = —
 b       d

Le rapport de a à b est équivalent à celui de c à d et nous comprenons pourquoi comparaison est raison et pourquoi une image a valeur de preuve. C’est tout un monde qui s’ouvrait ainsi à moi. En somme, le monde physique est comme une espèce d’abaque qui nous fournit le matériel nécessaire pour connaître le monde invisible. (J. I, p. 1366-1367).

Cinq ans après la note du Journal, cette nouvelle analyse appelle plusieurs observations. Le point de départ de la réflexion est à nouveau l’expression linguistique du monde physique et le rejet de l’image renardienne qui ne « sort pas » du concret. À la disqualification de la « lune »-« navette » en 1925 (« toutes les images de Renard sont de ce genre » disait Claudel) succède celle de « la fourmi qui ressemble au chiffre 3 ». Ensuite, la méditation claudélienne sur l’analogie s’oriente ici plus nettement vers une anagogie, une remontée vers « le monde invisible » et vers le Créateur, tandis qu’en 1925, elle se déployait dans un cadre anthropologique et rhétorique. Claudel, qui ouvre alors l’immense chantier de l’exégèse biblique et va s’interroger sur le sens figuré de l’Écriture, introduit en 1930 une référence théologique absente en 1925, saint Bonaventure qui, dans sa théorie de l’analogie, transforme le rapport de ressemblance en une ressemblance de rapports32 : « le rapport de a à b est équivalent à celui de c à ». Pierre Reverdy rappelait aussi en 1918 que l’analogie est une « ressemblance de rapports33 ». Claudel donne ici son fondement catholique à la théorie de l’image de 1925. Un texte peu connu de 1933, la « Seconde note sur les Anges », prolongera la réflexion : le choix de métaphores de même structure sémantico-syntaxique que dans la note du Journal (nom concret + de + nom abstrait) révèle la continuité de la réflexion. À l’instar des Anges, qui sont de « purs esprits » caractérisés par des « images corporelles », les métaphores fonctionnent sur le modèle biblique de la correspondance entre les deux créations, matérielle et spirituelle. Jusque dans les images les plus banales, un « report » s’opère de l’une à l’autre :

La création matérielle et la création spirituelle étant d’ailleurs reliées par une étroite, naturelle et véridique correspondance. (C’est le Livre écrit au dedans et au dehors, en une espèce de report mot à mot). C’est ainsi que nous parlons du vol hardi de l’esprit, de la dent du remords, d’un raisonnement qui se tient sur ses pieds, etc.34

Dans cette perspective, le choix du terme « image » trouve une pertinence proprement théologique. La secondarité de l’humain par rapport au divin, que Claudel affirme pour l’acte de parole – « Toute parole une répétition » dit-il dans « Les Muses » (Po., p. 230) –, vaut aussi pour l’image, seconde par rapport à la Création divine, dont elle est l’image :

Ainsi à côté de la production chimique ou physique ou biologique, on peut concevoir une production qui est la plus proche image de la création elle-même, une production pour ainsi dire métaphorique, par laquelle une chose tend à produire ce qui lui est semblable ou complémentaire et qui d’elle-même est l’image et la projection dans le même ou un autre ordre de réalités35.

 

Emmanuelle Kaës

 

 

 


1. Jules Renard, Journal 1887-1910, texte établi par Léon Guichard et Gilbert Sigaux, préface, chronologie, notes et index par Gilbert Sigaux, Gallimard, 1965, p. 269.
2. Voir la lettre de décembre 1930 reproduite dans J. I, p. 1366. – Gilbert Gadoffre a montré le rôle des intertextes de Jules Renard (Histoires naturelles, Le cochon) dans un poème comme « Le Porc ».
3. Les statuts de la collection, rédigés par Jacques Maritain, précisaient : « Aucun conformisme philosophique n'est exigé des collaborateurs du Roseau d'Or, mais il a un magistère intellectuel à exercer […] En ce qui concerne le travail de création littéraire et poétique, Le Roseau d'Or se propose avant tout d'offrir un terrain de rencontre sous le signe de la spiritualité catholique à tous ceux qui cherchent des formes neuves de manière à permettre aux efforts de renouvellement qui sont essentiels à la vie de l’art, de se produire en climat chrétien » (cité par Michel Bressolette, « Jacques Maritain et Le Roseau d'or », Littératures, 9, printemps 1984, p. 294).
4. Jacques Maritain, « Le Roseau d'Or – Présentation de la collection du même nom », Œuvres complètes de Jacques et Raïssa Maritain, III, Saint-Paul éditions religieuses, 2001, p. 1383-1384.
5. Michel Bressolette, « Exégèse d’une correspondance : Paul Claudel-Jacques Maritain », in L’Écriture de l’exégèse dans l’œuvre de Paul Claudel, textes réunis par Didier Alexandre, P.U. de Franche-Comté, 2006, p. 21 et B.S.P.C., n° 181, p. 12.
6. Lettre à Françoise de Marcilly (8 mai 1937) citée par Gérald Antoine, Paul Claudel ou l’Enfer du génie, Robert Laffont, 1988, p. 284. Publiée par Xavier Tilliette, in Paul Claudel, Lettres à une amie, Bayard Éditions, 2002, p. 113-114.
7. Lettre à l’abbé Henry Bars (septembre 1937), citée par Michel Bressolette, « Exégèse d’une correspondance : Paul Claudel-Jacques Maritain », op. cit., p. 23 et B.S.P.C., n° 181, p. 14.
8. « Conférence en Suisse, Zurich, au Polytechnicum Martin Bodmer. Genève. Sacré-Cœur. Athénée. L'Abbé Journet. Grand succès » (J. I, p. 698, 13-15 décembre 1925).
9. Journet-Maritain, Correspondance, Fondation du Cardinal Journet, Saint-Augustin éditeurs, 1996, p. 347.
10. « On peut même dire que les images apparaissent, dans cette course vertigineuse, comme les seuls guidons de l'esprit. L'esprit se convainc peu à peu de la réalité suprême de ces images » (André Breton, Manifeste du surréalisme [1924], Gallimard, Folio essais, 1985, p. 49).
11. Albert Thibaudet, « Du Surréalisme », NRF, 24, 1925, repris dans Réflexions sur la littérature, Gallimard, 1935, p. 333-341.
12. Dans une interview de 1944, Claudel reviendra sur cette question de la faiblesse de la syntaxe et de la prosodie chez les « jeunes poètes » (la formule est la même vingt ans plus tard) : « c’est ça dont les jeunes poètes ne paraissent plus se douter. Ils n’ont plus de musique, n’est-ce pas, leur poésie est sans musique. C’est mat, on dirait qu’ils tapent sur du bois. Cette vibration spéciale du français, spécialement des terminaisons féminines, la vibration soit comme une corde, soit comme une plaque de métal […] ils n’ont plus ça. Ils ne savent plus faire la phrase, tirer » (« Claudel parle », Supplément aux Œuvres complètes, II, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1991, p. 364).
13. Henri Meschonnic, « Claudel et l’hiéroglyphe ou la Ahité des choses », La Pensée de l‘image, P.U. de Vincennes, 1994, p. 103.
14. André Breton, Manifeste du surréalisme [1924], Gallimard, Folio essais, 1985, p. 31.
15. « Pour moi, la plus forte [image] est celle qui présente le degré d'arbitraire le plus élevé […] celle qu'on met le plus longtemps à traduire… » (Ibid., p. 50).
16. Claudel, Reverdy et les surréalistes prolongent un usage installé depuis le début du siècle. Marc Bonhomme observe que « la majorité des stylisticiens de la première moitié du XXe siècle (Albalat, Gourmont) refusent les catégorisations rhétoriques des figures pour le terme plus synthétique d’image » (Marc Bonhomme, Pragmatique des figures du discours, Champion, 2005, p. 45).
17. « L'ancienne [logique] avait le syllogisme pour organe, celle-ci a la métaphore, le mot nouveau, l'opération qui résulte de la seule existence conjointe et simultanée de deux choses différentes » (Paul Claudel, « Connaissance du temps », Art Poétique, Po., p. 143).
18. Dans les textes de Claudel, « l’image » est au moins aussi souvent une comparaison, non exempte d’un certain didactisme, qu’une métaphore.
19. A. Breton, Manifeste, op. cit., p. 49.
20. Ibid., p. 50-51.
21. Dans le Manifeste, Breton propose un classement des images « selon la manière dont elles procèdent pour suspendre tout rapport au réel : contradiction logique, inversion de l’abstrait et du concret, impossibilité physique, puissance d’hallucination sensorielle […] force comique, engendrement par le signifiant » (Michel Murat, Le Surréalisme, Le Livre de poche, 2013, p. 80).
22. Les images surréalistes n’offrent pas « le moindre degré de préméditation. Il est faux, selon moi, de prétendre que “l’esprit a saisi les rapports” des deux réalités en présence. Il n’a, pour commencer, rien saisi consciemment » (André Breton, Manifeste du surréalisme, op. cit., p. 48).
23. Ibid., p. 14.
24. Augustin Pellissier, Principes de rhétorique française, Hachette, 1873, p. 218.
25. Dans l’Art Poétique, c’est dans la définition du « mot » que Claudel associait « l’image » à « l’émotion » : « le mot, le mouvement particulier qui est le motif de chaque être et dont l’émotion de celui qui l’énonce est l’image » (Po., p. 195). Cependant, « l’émotion » a dans cet énoncé un sens ontologique (celui de mise en mouvement du sujet), et non psychologique ou affectif. Quant au terme « image », son sens se rapproche de celui de « représentation » ; il ne s’agit pas de la figure du discours résultant d’une démarche créatrice.
26. Pierre Reverdy, « L’image », Nord-Sud, mars 1918, Œuvres complètes, I, préface d’Étienne-Alain Hubert, Flammarion, 2010, p. 495.
27. Le Soulier de satin, Théâtre II, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 2011, p. 431.
28. Antoinette Weber-Caflisch, La scène et l’image, Annales littéraires de l’Université de Besançon, 1985, p. 27.
29. Ibid., p. 26.
30. Lettre à l’abbé Douillet du 10 mai 1922, Supplément aux Œuvres complètes, I, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1990, p. 326.
31. Paul Claudel, Mémoires improvisés, Paris, Gallimard, 2001, p. 74.
32. Dans son application première en mathématiques, « l’analogie » était la formule de la proportion ramenant des termes comparés entre eux à une identité de rapports (a/c/d). La trace de cet usage mathématique de l’analogie affleure lorsque Claudel compare le rapport des mondes physique et invisible à la table de calculs qu’est « l’abaque ».
33. Pierre Reverdy, « L’image », Œuvres complètes, I, op. cit., p. 495.
34.  O.C. XX, p. 398. – On rapprochera cette « dent du remords » de « l’imperceptible dent de l’acte » dans Le Soulier (op. cit., p. 424).
35. « Les trois premiers jours de la Genèse », O.C. XXVIII, p. 276.