Bulletin de la Société Paul Claudel, n°196

Sommaire

Jean-François BAZIN
– Une amitié de Paul Claudel durant son premier séjour en Chine : Michel Graillet (1873-1929). Correspondances inédites, 2

Colloque de Wuhan
– Michel AUTRAND :
          Discours inaugural, 18
          Conférence inaugurale sur Le Repos du septième jour, 21
– Dominique MILLET-GÉRARD : De Claudel à François Cheng : l’intuition chinoise dans les poèmes de Hankeou, 28
– Michel AROUIMI : Compte rendu du colloque « Claudel et la Chine », 39
– Yvan DANIEL : La Chine dans les études claudéliennes, 45

Notes
– Bei HUANG : Le mouvement et la fixation : la pratique claudélienne de la calligraphie dans Cent phrases pour éventails, 51
– Yu WANG : Paul Claudel et Tsen Tsonming, 64
– Michel WASSERMAN : La troisième jeunesse de la villa de Chuzenji, 69

En marge des livres
– Jean-Claude MARCADÉ : Paul Claudel et la scène théâtrale du XXe siècle, par Inna Nekrassova, 71
– Philippe VALLIN : La Messe là-bas, éd. Marie-Joséphine Whitaker, 76

Théâtre
– François CLAUDEL : Jeanne d’Arc au bûcher à Chartres, 84

Bibliographie, 86
Annonces, 88

 

Le mouvement et la fixation : la pratique claudélienne
de la calligraphie dans Cent phrases pour éventails

Parmi la quantité impressionnante des créations littéraires de Claudel, Cent Phrases pour éventails (que nous mentionnerons par Cent Phrases), se présente comme un petit bijou à part. Le livre, paru pour la première fois en 19271, au Japon, quelques mois après le départ de l’ambassadeur-poète, est une parfaite réalisation extrême-orientale : un étui recouvert de toile bleu foncé avec une fermeture en ivoire ; trois volumes séparés, tous au format étroit et allongé, pliés en accordéon, non paginés, avec les poèmes imprimés sur un seul côté. Mais ce qui étonne le plus les lecteurs familiers de la poésie de Claudel, ce sont les poèmes eux-mêmes : d’un côté, ils sont étonnamment courts, si courts qu’ils ressemblent à des « phrases » ; de l’autre, tous les poèmes sont calligraphiés par le poète français lui-même, dont l’écriture est reproduite par la lithographie. Concernant la brièveté, Claudel en donne l’explication dans la Préface2 rédigée pour l’édition française de 1942 : « [J]adis au Japon, à la recherche de leur ombre, j’ai essayé effrontément de mêler [ces poèmes] à l’essaim rituel des haïkaï. » (Po, p. 699) Ce sont des poèmes au style du « haïkaï », poème court japonais avec au total trois lignes et dix-sept syllabes, connu aujourd’hui plutôt sous le nom de « haïku ». Et la calligraphie ? La Préface de l’édition de 1942 débute par ces phrases :

Il est impossible pour un poëte d’avoir vécu quelque temps en Chine et au Japon sans considérer avec émulation tout cet attirail là-bas qui accompagne l’expression de la pensée : le bâton d’encre de Chine d’abord aussi noir que notre nuit intérieure ; on le frotte, humecté d’un peu d’eau sur une plaque d’ardoise et un godet recueille le jus magique. Il n’y a plus qu’à y tremper, peintre de l’idée ! (Po, p. 699)

Le pinceau, l’encre et le papier – outils familiers pour les lettrés extrême-orientaux – invitent un lettré occidental à la même pratique, soit. Mais s’agit-il simplement d’une écriture manuscrite qui, défiant l’impersonnalité d’une typographie conventionnelle, veut rendre plus visible les mouvements gestuels pendant la course de l’écriture et la personnalité de celui qui écrit ? Si nous regardons la calligraphie de Claudel avec cet œil-là, nous constatons cependant que, autant l’écriture calligraphique de la Préface pour l’édition de 1942 représente tous ces traits, autant celle des poèmes tracés en 1927 s’en éloigne. Ce qui frappe avant tout, c’est le fait que les lettres sont étrangement déliées les unes des autres, dont chacune est presque dressée verticalement. Du coup, la fluidité qui caractérise normalement une écriture manuscrite s’y trouve absente ; au contraire, s’y dégage une certaine lenteur, faisant deviner une volonté du frein.

La sensation de lenteur est d’autant plus frappante qu’à côté, la calligraphie des titres idéographiques contient bien plus de mouvement et de vitesse, conformément ainsi à l’esthétique du souffle qui caractérise l’art du pinceau en Chine et au Japon. Car, dans la tradition extrême-orientale, la peinture comme la calligraphie doivent, selon une célèbre formule d’un peintre des Tang, Zhang Zao (張璪), savoir à la fois « suivre les choses dans le monde extérieur, puiser les richesses dans le monde intérieur » (外得造化, 中得心源). Pour y parvenir, le mouvement en est la clé : d’un côté, suivre les choses dans la nature, c’est non seulement peindre la forme, mais surtout rendre visible le souffle de vie qui les anime ; de l’autre, puiser les richesses du cœur, c’est imprimer les expressions du cœur à travers les mouvements dans la ligne. C’est ainsi que, en parlant de Zhang Xu (張旭), maître incontestable de la calligraphie cursive, le grand lettré Han Yu (韓愈) fait l’éloge suivant : « Dès qu’il ressentait une émotion – joie ou colère, angoisse ou chagrin, allégresse ou dépit, nostalgie, ivresse, ou indignation – il l’extériorisait dans sa cursive. Il s’inspirait en même temps du monde extérieur. Tout ce qu’il percevait : les monts et les eaux, rochers et ravins, animaux de toutes sortes, les plantes avec leurs fleurs et leurs fruits, les astres et les éléments, le tonnerre et la foudre, la danse et le combat, tout ce qui change et se transforme entre Ciel et Terre, pour notre plaisir ou pour notre surprise – il mettait tout cela dans son écriture3. »

Le mouvement, rendu souvent visible par la rapidité d’exécution, se trouve au cœur de l’esthétique de l’art du pinceau en Extrême-Orient. Claudel lui-même rend hommage aux artistes japonais en faisant l’éloge de leur « rapidité foudroyante de la main » (Pr, p. 1129). Et pourtant, ce n’est pas la « rapidité » qui caractérise l’exécution de l’écriture calligraphique dans Cent Phrases, mais au contraire, la lenteur :

 

Mais qu’à la plume il ait substitué le pinceau, tout change ! À l’attelage incliné des trois doigts et du style se substitue une attention verticale. À la vocalise continue une analyse lettre à lettre. Le mot, lentement dessiné et perpendiculairement à l’œil, dégage le sens total des diverses efficiences qu’il coagule […]. Le poëte n’est plus seulement l’auteur, mais comme le peintre, le spectateur et le critique de son œuvre, au fur et à mesure qu’il se voit lui-même en train de la réaliser. Sa création se fait sous ses yeux au ralenti. Il a le temps. (Po, p. 700)

 

« [U]ne attention verticale », le mot « lentement dessiné » et « perpendiculairement à l’œil », la création « au ralenti » : ces expressions nous disent clairement que la lenteur est voulue par le calligraphe de Cent Phrases. Pourquoi transformer le pinceau en un outil du ralentissement ? Quelle est la part du mouvement – nous savons que Claudel est un penseur du « mouvement » dans son Art Poétique – dans cette calligraphie, et quelle la part de la fixation ? Si la rapidité de l’exécution chez les artistes extrême-orientaux aide à exprimer la vie – celle du monde comme celle du cœur -, les tracés lentement dessinés du poète français sont-ils également expressions de la vie ? Autant de questions nous invitent à sonder les mystères issus du pinceau dans la main de Claudel, d’autant plus que celui-ci déclare : « Mille intentions secrètes se cachent dans la calligraphie opérée avec le pinceau par le poète lui-même », qui ne seraient perceptibles qu’à « un lecteur patient qui déchiffrera chaque texte l’un après l’autre avec lenteur, comme on déguste une petite tasse de thé brûlant. »(Po, p. 1150)

Le signe calligraphié : fixer la vie en mouvement

« L’écriture y joue un grand rôle, écrit Claudel à propos de Cent Phrases, car en français comme en chinois la forme extérieure des lettres n’est pas étrangère à l’expression d’une idée. » (Po, p. 1150) Et la Préface de 1942 nous en donne des exemples concrets :

Ne suis-je pas, moi aussi, un spécialiste de la lettre ? […] O, suivant sa jonction avec les autres traits alphabétiques, peut être le soleil, la lune, une roue, une poulie, une bouche ouverte, un lac, un trou, une île, un zéro, – la fonction de tout cela. I peut être un dard, l’index tendu, un arbre, une colonne, l’affirmation de la personne et de l’unité. M est la mer, la montagne, la main, la mesure, l’âme, l’identité. Et si de toutes ces bouches et barres ajoutées nous formons un mot, quel idéogramme plus parfait que cœur, œil, sœur, même, soi, rêve, pied, toit, etc. ?

Le « mot » est ici comparé à l’« idéogramme » : ce passage avec tous les exemples donnés nous amène à une théorie – aussi ludique que sérieuse – que Claudel élabore dans un texte rédigé en 1926 – un an avant la naissance de Cent Phrases -, intitulé Idéogrammes occidentaux, dont l’idée principale est reprise plus tard, dans L’Harmonie imitative. L’auteur, en fournissant un grand nombre d’exemples, veut montrer qu’un « mot » occidental pourrait être aussi considéré comme une sorte d’« idéogramme ». Voilà un exemple pittoresque : autant le caractère chinois signifiant « maison » – « 家 » – représente un cochon sous un toit, autant le mot français « toit » fait voir l’image d’un foyer : « Les deux barres du T donnent les versants de cet abri dont les montants de la même lettre forment les parois. Le O c’est la table où la famille prend ses repas et le I c’est le feu ou le foyer avec la légère fumée qui s’en élève. » (Pr, p. 101) Cependant, tandis que le caractère chinois exprime l’idée par sa forme tout entière, le mot occidental, par une succession de lettres. La lettre, tel un maillon dans une chaîne, est considérée comme un « engin sémantique » (Po, p. 700), dont l’être ou la chose représentée change selon le mot.

Ainsi, dans Cent Phrases, la lettre O représente l’image de la lune dans le poème 16 – « Cette nuit / dans mon lit je vois que ma main trace une o-mbre sur le mur la lune s’est levée » – mais aussi dans les poèmes 8 et 17 ; elle imite cependant une bouche dans le poème 45 – « un aveugle qui a envie de d-o-rmir » -, mais aussi dans le poème 46 – « c’est l’enfant derrière elle la bouche o-uverte qui le fait voler ». La lettre M évoque tantôt les doigts de la main (poème 16 : mon, ma main, ombre, mur ; poème 44 : mettre), tantôt des ailes volantes comme dans le poème 162… Mais avec le pinceau et l’encre, l’image évoquée devient bien plus vivante, et plus variable, comme la lettre « » sous forme de « » dans le mot « glycine » (poème 105), imitant ainsi l’ondulation végétale, sous forme de « », faisant voir l’image d’une « goutte » (poème 153).

La première fonction de la calligraphie dans Cent Phrases est évidement celle-ci : rendre plus visible la correspondance entre la forme et l’idée en ce qui concerne une lettre « idéographique ». Ce faisant, le poète réalise son rêve exprimé dans un dialogue écrit dans la même année 1926, Jules ou l’homme-aux-deux-cravates :

Le Poète. – Las de produire des idées je voudrais produire des êtres.
Jules – Comme ce peintre […] qui sur le carré de papier blanc ne pense pas en idées mais en cigognes et bambous. […]
Le Poète. – Si j’écris de la musique ou des vers, c’est facile à comprendre que je suis content ou triste. Mais il faut puiser à des couches plus profondes que l’intelligence ou le sentiment pour en tirer simplement un lapin ou une grenouille. Avec mon pinceau je dispose de cette cause qui fait. Ce n’est qu’en faisant les choses qu’on en apprend le secret. Comme je participe aux arts de la Nature…
Jules. – […]
Le Poète. – « Comme je participe à cet art poétique de la nature je suis admis au mystère de ces intentions. » (Pr, p. 860-861)

Dire, non pas par des mots, mais par des choses : « cet art poétique de la nature » trouve son lieu de réalisation idéal dans Cent Phrases. Car les « haïkus » de Claudel, s’ils ne respectent pas le nombre de syllabes exigé, captent pourtant l’essence du haïku japonais : ce sont des chants de la nature passagère, remplis de fleurs et d’animaux qui traversent les quatre saisons. Avec le pinceau, le poète veut se transformer en peintre, pour donner à voir les choses du monde et pour, enfin, « dispose[r] de cette cause qui fait ». Cette dernière formule nous fait comprendre que l’« art poétique de la nature » de Claudel contient toute une dimension religieuse. Car « cette cause qui fait » n’est autre que le Dieu Créateur, et l’artiste, en peignant les êtres et les choses du monde, devient à la fois témoin de la création mais aussi créateur à l’image de Dieu.

C’est dans le mouvement – signe de la vie – que la « cause qui fait » se laisse surtout deviner. Mais pour traduire le mouvement, il n’y a pas d’outils plus efficaces que le pinceau, capable d’enregistrer la plus grande vitesse comme le plus infime infléchissement de la main. C’est ainsi que les artistes japonais, grands maîtres du pinceau et amis de la nature, deviennent l’objet de l’éloge dans la suite du même dialogue :

 

Le Poète. – Je pense quelque fois que les êtres et les objets sont des espèces de signes, de conventions, dont nous ignorons le sens complet mais que le peintre avance et joue sur l’échiquier du cadre par une espèce d’instinct. Comme dit saint Grégoire : Dum gestum narrat, mysterium tradit.
Jules. – C’est pour cela sans doute que tous ces rudes peintres qui ont décoré la maison de leur dieu à Sankakiju avec des images de la vie étaient des prêtres. (Pr, p. 861)

La phrase de saint Grégoire sera reprise plus tard par Claudel dans un autre texte, et sera traduite par le poète à cette occasion : « Tandis qu’elle énarre un texte, elle livre un mystère4. » Ce qui livre un mystère, c’est la nature ; mais une nature pleine de vie, donc de « sens » – à la fois orientation du mouvement et signification. Mais le peintre, imitant la nature dans son essence pure et dans son mouvement de vie, joue le rôle de la mise en relief du mystère – le mystère de la vie ; d’où le parallèle établi entre le peintre et le prêtre. Et les peintres japonais sont des « prêtres » par excellence, car les images tracées par le pinceau sont expressions même du mouvement, donc de la vie : « […] cette souplesse délectable, cette justesse, ce suspens exquis dans le mouvement par exemple qui prend et enveloppe ce singe depuis le bout des ongles jusqu’à l’extrémité de la queue (ce n’est pas le singe qui est en mouvement, c’est le mouvement qui est singe) » (Pr, p. 1128).

 

Ainsi, nous comprenons que loin d’être un simple amusement, et bien plus d’une conviction poétique5, la pratique des « idéogrammes occidentaux » dans Cent Phrases est un acte de la foi. Cependant, calligraphier un mot n’est pas tout à fait la même chose que de peindre un être, même si entre la forme et l’idée il y a un lien qui est établi. Il faut souligner ici que, dans le système d’« idéogrammes occidentaux » de Claudel, ce qui correspond à un caractère chinois dans l’écriture occidentale, c’est un « mot » dans son ensemble, et non pas une « lettre », laquelle n’est qu’un « engin sémantique ». Par conséquent, même si une lettre peut se transformer en une figure, le « mot », dans son ensemble, n’exprime l’idée par la forme dans la mesure où il s’agit d’un ensemble de lettres-figures liées entre elles par un rapport imaginaire. Cette particularité, selon Claudel, est ce qui distingue le plus le mot du caractère chinois qui, lui, peut donner à voir l’idée directement par une image « synthétique » (Po, p. 89). Cette pensée, exprimée pour la première fois dans Religion du signe en 1896 au début de son arrivée en Chine, reprise trente ans après dans Idéogrammes occidentaux, à la fin de son séjour au Japon, se trouve maintenant dans la Préface de Cent Phrases :

 

Et la lettre occidentale, telle qu’au fil de notre pensée elle s’intègre en mots et en lettres, n’est-elle pas dans le geste qui la lie à ses voisines quelque chose d’aussi animé et péremptoire que le signe chinois ? Le caractère s’imprime d’un seul coup sur l’idée et la propose, affichée, immobilisée à la correspondance de la constellation graphique qu’il évoque autour de lui. Mais la lettre dans son analyse et report sur la ligne horizontale du concept imaginaire est à la fois figure et mouvement, une espèce d’engin sémantique. (Po, p. 699-700)

Le mouvement, en tant qu’expression de la vie, caractérise aussi bien les idéogrammes chinois que les « idéogrammes occidentaux ». C’est ainsi que, dans les écrits sur la calligraphie dans la Chine ancienne, abondent les comparaisons entre les caractères calligraphiées et les êtres de la nature, tel que ce passage tiré d’un traité de la calligraphie écrit par un empereur du Ve siècle, Xiao Yan (蕭衍), à propos de la calligraphie cursive : « Rapide comme un serpent troublé qui ne trouve plus son chemin, traînant comme de l’eau verte qui zigzague ; lent comme les corbeaux, prompt comme les pies […]. Tels les nuages qui s’amoncèlent, les eaux qui s’épanchent, le vent qui se propage, la foudre qui accélère sa course6 ». Les signes évoquent des choses dans la nature, mais des choses toujours en mouvement. Pour les Chinois qui ne font pas une séparation entre l’espace de l’œuvre et l’espace du monde – les deux sont animés par les mêmes souffles de vie -, la calligraphie représente « les états du corps propre dans la dynamique de leurs transformations7 ». Pour Claudel cependant, héritier à la fois de la tradition grecque et de la tradition chrétienne, l’œuvre, séparée du monde réel, est le lieu où la vie est soustraite au temps. Ainsi, le mouvement sur le papier, rendu particulièrement vif par le maniement du pinceau et de l’encre, est pour lui non pas une actualisation des phénomènes comme dans le monde, comme la vie fixée et éternisée dans un autre univers : « ce n’est plus de l’art, c’est la vie elle-même que nous surprenons à son travail, plus divine sous cette forme anonyme. Voici ce pauvre petit bout d’existence qui grâce à l’humble et pieux artiste est devenu vivant pour toujours » (Pr, p. 1129). Dans une telle perspective, pour fixer sur le papier le caractère chinois, dont la forme donne une image instantanée, il suffit de laisser coaguler l’encre sur le papier ; mais quant au mot occidental fait d’une succession de lettres, fixer, c’est ralentir la course, d’où le déliement entre les lettres d’ailleurs verticalement dressées.

 

Voici donc le deuxième secret dans la calligraphie de Claudel : le pinceau et l’encre sont utilisés pour rendre plus vivantes les choses de la nature, mais aussi, pour les fixer pour toujours. Dans sa conférence intitulée La Philosophie du livre, prononcée en 1925, Claudel fait l’éloge de la stabilité du signe chinois :

Ce n’est pas sur les papiers de l’Occident que le mot, la macule intelligible sur du blanc, arrive à sa pleine gloire, à sa signification rayonnante et stable. Il n’est qu’une portion mal apaisée de la phrase, un tronçon du chemin vers le sens, un vestige de l’idée qui passe. Il nous invite à ne pas nous arrêter nous-mêmes, à continuer jusqu’au point final le mouvement des yeux et de la pensée. Le mot chinois au contraire, cette image abstraite de la chose, cette clef de la détermination et de l’idée, reste aussi fixe devant l’œil du contemplateur que le pentacle lumineux qu’envisage le Docteur Faustus dans l’estampe de Rembrandt. (Pr, p.72)

Mais avec Cent Phrases, le poète n’a plus de regret.

Le poème calligraphié : arrêter le monde qui passe

Fixer, c’est pour mieux déchiffrer. Tandis que les mots sont fixés pour nous inviter à lire le « sens » de leur mouvement, chaque poème, dans son ensemble, est fixé, se transformant d’une « phrase » dite dans le temps en une image composée dans l’espace.

Car, chaque « phrase » a également un « sens », puisqu’elle parle du monde qui passe. « Comment les choses auraient-elles un sens si leur sens n’était de passer ? » (Po, p. 494) Le haïku, nous l’avons dit, est une poétique de la nature, mais d’une nature qui est toujours passagère. Ainsi avons-nous, dans Cent Phrases, des poèmes de printemps – Une pivoine / aussi blanche que le sang est rouge (poème 30) ; La danse / du printemps de plus en plus vite à la mesure des choses qui croissent et se multiplient (poème 141) -, l’été – Une grenouille saute dans l’étang et là haut dans le ciel / O tzuki sama8 / se met à rire si fort qu’elle est obligée de s’essuyer le coin de l’œil avec un mouchoir de soie (poème 8), La nuit / approche ta joue de ce bouddha de pierre et ressens combien la journée a été brûlante (poème 10) -, l’automne – L’automne aussi est une chose qui commence (poème 86), Fenêtre / au lever du soleil qui s’ouvre dans le brouillard blanc un pays de braise et de feu (poème 104) -, l’hiver – Un rayon de soleil / dans un tourbillon de neige (poème 52), En hiver un instant / ce suspens de cristal et voici que tout repart à la fois comme une vitre qu’on brise en mille morceaux (poème 90)…

Aux yeux du poète chrétien, le monde qui passe est un discours. Pour déchiffrer sa signification, il faut l’arrêter pour l’interroger. La photographie est un art par excellence qui transforme le paysage en un texte ; elle « aboutit devant nos yeux avec énormité quelque chose d’immobile, de visible, de lisible, et j’allais presque dire de sacré. Un Texte. Quelque chose, permanent, qui n’a rien perdu de son activité » (Pr, p. 394).

Le haiku, par son esthétique de l’instant, est une sorte de photographie proférée. Mais le poète veut qu’il soit également une image visuelle. Ainsi, dans l’espace encadré par deux barres horizontales, chaque poème, telle une photo, capte un paysage de l’instant, en le fixant éternellement sur le papier. Mais comment ? Le pinceau intervient, encore une fois. Avec liberté et audace, il n’écrit pas dans le temps, il peint dans l’espace. Il dénoue et renoue les lettres et les mots, il brise la linéarité, il redistribue l’espace. Le poète annonce : « […] et voici, de quelques mots, débarrassés du harnais de la syntaxe et rejoints à travers le blanc par leur seule simultanéité, une phrase faite de rapports ! » (Po, p. 699). Ainsi est née dans chaque espace encadré une image. Elle est parfois figurative – le poème 104 par exemple -, évoquant certains calligrammes d’Apollinaire ; parfois se présente comme un rythme visuel – comme le poème 77 où s’alternent une ligne brève et une ligne longue, le poème 141 où la multiplication des lettres s’accélère avant de tomber dans le ralentissement – ; mais dans la majorité des cas totalement abstraite. C’est alors dans les interstices blancs où se trouvent les secrets, que nous allons sonder un peu plus loin.

Ici, il est surtout question de la fixation. « Un poëme / qui roule de tous côtés sur le papier sans pouvoir s’y fixer comme une goutte d’eau sur une feuille de lotus » : le poème 108 révèle le souci constant du poète. Mais le poème est fait de l’écriture alphabétique qui par essence est en marche, comment fixer le mouvement sur la page ? Grâce à la simultanéité et la juxtaposition, le poème acquiert une unité de l’ensemble. Mais la stabilité est assurée également par la structure des trois colonnes : « Le poème est en général réparti sur deux pages, la première contenant en général (en français et en japonais) le titre du poème, le mot essentiel qui le résume, ou simplement une invitation au lecteur, un signe presque muet » (Po, p. 1150).

Le poète précise que, concernant les deux colonnes constituant le poème français, celle de gauche contient le titre et celle de droite contient le corps poétique. D’une manière générale, le lecteur finit la colonne de gauche avant de passer horizontalement à la colonne de droite. Mais les jeux de la verticalité et de l’horizontalité dépassent parfois la frontière entre les deux colonnes, brouillant ainsi l’ordre de la lecture. Nous avons par exemple le poème 69 où le début du poème « Au centre », se trouve tout de suite dans la colonne longue. Le lecteur passe après à la colonne brève pour la suite, avant de finir le reste dans la colonne longue. La lecture possède ainsi trois temps au lieu de deux. Mais le cas le plus complexe est celui du poème 17 :

Visiblement il y a toujours deux colonnes verticales indépendantes, cependant la verticalité et l’horizontalité se mélangent au-delà de la séparation. De « Cette » à « », nous sommes bien dans la verticale. Mais ensuite, au lieu de continuer dans la même colonne brève, nous devons poursuivre la lecture à la colonne longue, dans la ligne qui continue horizontalement la lettre « » : « ombre que me confère ». Nous passons verticalement à la ligne suivante dans la même colonne et lisons « la Lune », avant de repasser à la colonne brève pour commencer un autre alinéa. Celui-ci enjambe les deux colonnes de la même manière que la précédente, en débutant avec la lettre « » à gauche et en finissant par l’inscription de tout le reste dans la colonne de droite.

Regardons maintenant non pas selon le sens de la lecture, mais la forme plastique que les deux colonnes nous livrent, nous apercevons alors un triangle. La colonne gauche9, contenant peu de signes, forme la pointe du triangle, tandis que la colonne droite, d’un volume bien plus important, constitue la base. Le triangle peut prendre des formes variées : dans le poème 69 évoqué plus haut, les signes dans la colonne gauche constituent l’un des trois du triangle, et ceux de la partie de droite séparée au milieu par le blanc forment les deux autres. Dans le poème 83, le titre « Éventail » à gauche et le mot final « œil » en bas à droite constituent deux points dont chacun forme avec le corps principal du poème un triangle. Or, le triangle n’est nullement une géométrie gratuite chez Claudel, si nous prenons en compte cet extrait dans Le Poète et le Shamisen, dialogue contemporain des premiers poèmes de Cent Phrases : « Un arbre n’est beau, une montagne, un bouquet, un paysage, que s’il s’inscrit dans une certaine figure géométrique, de préférence un triangle, présentant des proportions si belles qu’elles détruisent la contingence. C’est le passager qui s’inscrit dans l’éternel. » (Pr, p. 834)

Mais parmi tous les procédés, celui qui est censé fixer définitivement le signe, c’est le titre idéographique10, considéré par l’auteur comme « racine » de l’image encadrée. Le modèle se trouve dans le caractère chinois. Dans sa conférence de 1925, La Philosophie du livre, juste après avoir souligné la stabilité du caractère chinois par rapport au mot occidental, Claudel consacre un passage au rôle du « point » dans le caractère chinois : « Le caractère qui veut dire l’eau en chinois est un gribouillis conventionnel représentant le mouvement d’un liquide. Le pinceau du scribe ajoute un point sur le côté : cela veut dire la glace. Il met le point en haut : cela veut dire toujours, l’éternité. Ainsi ce qui était le mouvement par excellence est solidifié dans une espèce de permanence abstraite, comme la cascade que la distance nous fait paraître immobile. Il n’y a pas de caractère chinois où ce point ne soit sous-entendu. » (Pr, p. 72) Les trois caractères chinois évoqués ici s’écrivent respectivement : ?(eau), ?(glace), ?(éternité). Ces quelques exemples pittoresques bien choisis ne constituent absolument pas une généralité de l’écriture chinoise. Mais encore une fois nous ne sommes pas dans un débat linguistique. La lecture de Claudel est hautement symbolique ; elle nous rappelle un passage dans l’Art Poétique où le caractère ?(éternité) y figure déjà, et où les parties graphiques variées fixées par le « point » sont comparées aux mouvements de l’homme toujours orientés à « Sa face ». Apparaît, à ce moment-là, une définition claudélienne de la « parole » : « L’acte par lequel l’homme atteste la permanence des choses, par lequel, en dehors du temps, en dehors des circonstances et causes secondes, il formule l’ensemble des conditions permanentes dont la réunion donne à chaque chose son droit de devenir présente à l’esprit, par lequel il la conçoit dans son cœur et répète l’ordre qui l’a créée, s’appelle la parole. (Po, p. 194). Le « point » est ce qui est permanent dans un monde passager. Il existe en toute chose ; mais seul l’homme, créature privilégiée, peut en prendre conscience et dire pour la nature ce qui est permanent en elle. Mais l’homme témoin est également l’homme de la parole : voici la seconde dimension du « point », située au niveau de l’écriture. Toute chose est mouvement – c’est le point de départ du développement de l’Art Poétique – ; l’écriture sert à le fixer et le rendre permanent. L’image du monde, grâce à la fixation, est devenue un signe.

Si le « point » est effectivement un élément constitutif qui peut être facilement constaté dans l’écriture chinoise, il n’est cependant pas présent dans tous les caractères. Par ailleurs, il est difficile de voir en lui seul l’élément qui pourrait « fixer » le caractère. En réalité, ce qui donne véritablement au caractère une structure d’équilibre, c’est la « clef », ou la « racine », par opposition au corps du caractère. Tous les caractères contiennent plus ou moins une « racine », laquelle sert en outre à les classer. La « racine » est le « point » dans le caractère.

En considérant la partie du titre idéographique comme « racine », l’auteur de Cent Phrases a l’intention de transformer le poème – « cette parole muette » (Po, p. 699) en un caractère chinois, une image stable, un signe permanent, un hiéroglyphe invitant à une contemplation. Ainsi, dans l’espace encadré de chaque poème, « Épars, disjoint, tout cela tient ensemble, longuement incliné sur son propre mystère. » (Pr, p. 399)

L’espace blanc : un lieu rempli d’émotion

Chaque poème de Cent Phrases devient alors un mot :

Un mot rond sans aucune tige comme un lotus qui s’épanouit tout seul en plein papier, un seul caractère que le doigt n’achève pas sur le sable,
Et l’âme tout entière s’émeut dans les profondeurs superposées de son intelligence. (Po, p. 73)

Le vers dans son ensemble considéré comme un « mot » est, avant Claudel, une idée mallarméenne, exprimée dans Crise de vers : « Le vers qui de plusieurs vocables refait un mot total, neuf, étranger à la langue et comme incantatoire, achève cet isolement de la parole11 ». L’enseignement de Mallarmé trouve en effet son reflet dans la création de Cent Phrases, et ce n’est nullement un hasard que, dans Réflexions et propositions sur le vers français, texte également écrit au Japon en 1925, Un Coup de dés jamais n’abolira le hasard, soit évoqué comme « un grand poème typographique et cosmogonique » (Pr, p. 15). Il y a pourtant une grande différence qui sépare le poète chrétien de son maître de la rue de Rome. Pour ce dernier, le mot, du côté de l’idée, est supérieur à la chose. « Je dis : une fleur ! et, hors de l’oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l’absence de tous bouquets12. » Or, pour Claudel, le mot est l’être créé ; plus, il est porteur de l’énergie de celui qui le trace ou le prononce.

 

Car, entre le mot et l’être, il y a l’homme. C’est dans l’Art Poétique que Claudel expose cette idée : prononcer un mot, c’est créer en l’homme un état de tension que la chose réelle provoque en lui. La subjectivité que le poète attribue au mot est soulignée ainsi : « les mots sont les signes dont nous nous servons pour appeler les choses ; nous les appelons, en effet, nous les évoquons en constituant en nous l’état de co-naissance qui répond à leur présence sensible » (Po, p. 178). L’acte de proférer, n’est autre que donner « l’énonciation des rapports, de la balance que nous établissons entre la chose et nous, entre le sujet et l’objet » (ibid., p. 179). Un mot ainsi conçu est non seulement la formule de l’objet, mais aussi la charge de l’énergie du sujet parlant. Pour laisser parler son émotion, le poète recourt à l’« hémorragie » (Pr, p. 6) : le mot, chargé de tension, s’interrompt en plein milieu, laissant couler alors le sang et le sens. La succession de lettres, qui rend un mot mal apaisé sur le papier, devient maintenant une source abondante d’énergie. Le pinceau, en même temps qu’il ralentit la course du mot, exploite, par l’insertion de blancs, son dynamisme intérieur.

Dans Cent Phrases, l’« hémorragie » se pratique sur les deux plans : le mot proféré dans le temps, et le mot calligraphié dans l’espace. Sur le plan sonore, la coupure intérieure se fait souvent derrière une consonne. Pour Claudel, « dans la diction la consonne est l’élément essentiel », car « [c]’est elle qui donne au mot son énergie, son dessin, son acte, la voyelle représentant l’élément uniquement musical » (Pr, p. 107). Les exemples sont nombreux : avec la consonne « » : p-as (poème 80), p-oëte (poème 85), p-aysan (poème 92) ; avec la consonne « » : d-isparu (poème 26), d-o-rmir (poème 45), d-errière (poème 46), d-érobe (poème 106) ; avec la consonne « » (« f-umé-e » (poème 40), « ficti-f » (poème 88) ; avec la consonne « s » : « s-erpents » (poème 3), « s-ouffle » (poème 27), « s-on » (poème 34). Les interstices blancs nés de ces coupures sonores se présentent comme un temps d’arrêt dans la linéarité sonore, créant un prolongement ou une attente par rapport à l’énergie échappée.

Sur le plan graphique, les lettres, toutes considérées comme des engins graphiques dans une chaîne sémantique, ne comportent plus de distinction entre les voyelles et les consonnes. Les interstices blancs servent surtout à isoler et à souligner une telle ou telle lettre idéographique. Si l’encre noire souligne sa forme, l’espace blanc fait résonner la vision et l’émotion du poète. Dans les poèmes 108 et 153 par exemple, le « », le « », le « » et le « » isolés et occupant chacun l’espace d’une ligne entière, représentent tous, avec des nuances bien sûr, une goutte d’eau. La lettre « » finale, muette dans la diction du vocable, représente par sa forme graphique la trace plusieurs fois courbée d’une fumée (poèmes 39, 40, 41 : « encen-s »), d’un serpent (poème 3 : « s-erpents ») ou d’une résonance sonore (poème 63 : « son-s »). Ces derniers exemples nous montrent d’ailleurs que l’aspect sonore et l’aspect graphique peuvent se superposer dans une seule et même coupure intérieure. Ainsi voyons-nous que les interstices blancs dans Cent Phrases sont remplis de rapports intimes entre l’homme et les choses du monde ; rapports que Claudel appelle « co-naissance ».

Mais le fond blanc – le silence d’où surgit la parole -, est également un lieu d’émotion : l’émotion de celui qui contemple le monde qui passe, et qui en déchiffre le « sens ». À plusieurs reprises, Claudel parle de l’art de « Ah ! » chez les Japonais. « Il y a dans la littérature japonaise une expression : connaître la Ahité des choses (mono no aware wo shiru), cela dans toutes les choses qui fait AH » (Pr, p. 1182), écrit-il en 1924. « Mono no aware », c’est-à-dire « choses propres à émouvoir », est en effet une esthé—tique qui caractérise la littérature japonaise classique. L’expression est utilisée le plus souvent pour exprimer un sentiment de mélancolie. Mais dans les « haikus » de Claudel, le « Ah » exprime également l’étonnement face au monde, l’émerveillement d’y vivre, le bonheur de comprendre ; les moments de « Ah ! », ce sont des « moments sacrés, où le définitif au travers du passager ! tout à coup un certain équilibre ineffable est obtenu et où l’évidence éclate ! » (Pr, p. 395)

Chaque poème dans Cent Phrases est un tel « moment sacré » où l’image du monde se trouve tout d’un coup fixée. L’homme n’est plus seulement un promeneur, mais un contemplateur ; son âme, émue par la Création, communique en silence avec le Créateur. L’espace calligraphique devient alors un étang : l’eau est à la fois miroir d’un monde qui passe, et l’épanchement de l’émotion du contemplateur. Cette dimension n’existe évidemment pas dans le blanc du « grand poème typographique » de Mallarmé, interprété par Claudel comme une « absence », un néant : « Le drame de la vie de Mallarmé est celui de toute la poésie du XIXe siècle qui, séparée de Dieu, ne trouve plus que l’absence réelle. Elle n’a plus rien à dire. Elle aboutit à ce blanc […]. » (Pr, p. 514)

Ainsi, les mouvements du cœur, autant s’expriment par des tracés noirs dans la calligraphie extrême-orientale, autant se laissent deviner dans l’espace blanc de Cent Phrases. L’artiste, recueillant une parole propagée par un souffle – le Souffle -, la peint lentement avec un pinceau. Peu à peu, sur l’écran de l’éventail, la parole s’immobilise en image. Dans l’arrêt et dans le silence, les signes commencent à nous parler. Alors, « Chut ! / si nous faisons du bruit le temps va recommencer » (poème 101).

Bei HUANG


1. En 1926 sont parus deux albums de feuilles d’éventail – Souffle des quatre souffles et Poëmes du Pont des Faisans -, où figurent des poèmes calligraphiques de Claudel accompagnés de peintures de Tomita Keisen. Il s’agit des premières compositions des poèmes de Cent Phrases.
2. La Préface est recueillie dans Œuvre poétique, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1967, p. 699-701. Paradoxalement, cette édition n’a pas reproduit en lithographie l’écriture calligraphique de Claudel. Pour une reproduction plus fidèle à l’édition de 1927, nous renvoyons à l’édition critique de Michel Truffet, Cent phrases pour éventails, Annales littéraires de l’université de Besançon, Paris, Les Belles Lettres, 1985 ; ou l’édition avec une présentation de Michel Truffet, Gallimard, « Poésie », 1996. Concernant les citations extraites de l’Œuvre poétique de Claudel, nous utilisons l’abréviation « Po » ; pour celles extraites d’Œuvres en prose du même auteur (Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1965), nous utilisons l’abréviation « Pr ». Sans précision particulière, les soulignements viennent de nous.
3. Han Yu (韓愈), Lettre d’adieu à l’abbé Gaoxian (« 送高閑上人序 ») ; traduction de Jean-François Billeter, L’Art chinois de l’écriture, Genève, Skira / Paris, Le Seuil, 2001, p. 191.
4. Depuis le Cratyle de Platon, combien de poètes veulent voir dans le mot un rapport réel avec la chose, que ce soit au niveau du son ou au niveau de la graphie ? Claudel lui-même souligne : « […] nulle démonstration ne convaincra un poète qu’il n’y a pas de rapport entre le son et le sens d’un mot, sinon il n’aurait plus qu’à renoncer à son métier. Et de même est-il si absurde de croire que l’alphabet est l’abrégé et le vestige de tous les actes, de tous les gestes, de toutes les attitudes et par conséquent de tous les sentiments de l’humanité au sein de la création qui l’entoure ? » (Pr, p. 90)
5. Claudel, Du Sens figuré de l’Écriture (1938), Œuvres complètes, Gallimard, 1963, t. XXI, p. 90.
6. Xiao Yan (蕭衍), Les Formes de la calligraphie cursive (« 草書狀 »).
7. Jean-François Billeter, op. cit., p. 220.
8. « Tsuki sama » est le nom japonais de la lune.
9. Certains poèmes ne comportent pas la colonne du titre, comme les poèmes 11, 37, 51, 70, 88, 130, 167 et 170.
10. À noter que, dans la pratique de la calligraphie des haiku, ce sont les kana – signes syllabiques basés sur certains idéogrammes chinois – qui sont largement adoptés, et non pas les kanji – idéogrammes chinois. Le choix de Claudel n’est donc pas habituel, mais significatif.
11. Mallarmé, Œuvres complètes, édition présentée, établie et annotée par Bertrand Marchal, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », vol. 2, 2003, p. 213.
12. Mallarmé, ibid.

 

Bibliographie

Paul CLAUDEL

Le Soulier de satin, traduction en ukrainien par Hanna Malets, éditions Kairos, Kiev, 2007.
(Cette traduction a été couronnée par le prix Skovoroda de la meilleure traduction, accordée par l’ambassade de France en Ukraine, dans le cadre de son programme d’aide à la traduction (président du jury : Georges Mink).)

La voie de l’art [L’œil écoute] traduit en chinois par Xinzhang Luo, éditions de Yanshan, Beijing, 2009.

Sur les traces de Camille et Paul Claudel archives et presse, direction Marie-Victoire Nantet, Marie-Domitille Porcheron, Anne Rivière, textes présentés par Sophie Gauthier, Association pour la recherche claudélienne, éditions Poussière d’Or, 2009 (renvoi 1).

Xavier GALMICHE

« Au-dessus de la ville de Milos Marten (1917) au cœur de la réhabilitation du baroque en Bohême : la tentation de la ‘Renaissance’ et ses inspirateurs (Paul Claudel et William Pater) in Baroque en Bohême, études rassemblées par Marie-Élisabeth Ducreux, Xavier Galmiche, Martin Petrás et Vit Vilnas, collection UL3, université Charles de Gaulle Lille 3, 2009.

Sophie GAUTHIER

– « Introduction » p. 7 (renvoi 1)

– « Premières images de Camille Claudel : une lecture du discours critique 1885-1913 » p. 109 (renvoi 1).

Matteo GIANESELLI

« Historiographie des années 80 à nos jours. Les paradoxes de la redécouverte de Camille Claudel », p. 95 (renvoi 1)

Joël HUTHWOHL

« Archives claudéliennes à la Comédie-Française. Paul Claudel, les administrateurs et les metteurs en scène », p. 59 (renvoi 1).

André JARRY

« Pour une approche des archives claudéliennes aux arts du spectacle », p. 31 (renvoi 1).

Catherine MAYAUX

« Séduction du rite et conversion par l’art, de Huysmans à Claudel », in La Revue de l’Histoire des Religions, numéro consacré à “La beauté du rite”, sous la direction de Ralph Dekoninck et François Trémolières, Paris, Collège de France.

Marie-Victoire NANTET

– « Huysmans et Claudel face à l’art chrétien de leur époque : mise en perspective de quelques points de vue », in J.-K. Huysmans Littérature et Religion, direction Samuel Lair, Presses universitaires de Rennes, 2009.

– « Camille et Paul Claudel sous le regard de l’historien Jacques Cassar », p. 77 (renvoi 1).

Pierre OSTER

« Claudel à jamais » (1932) et « Note sur le présent de Claudel » in Poétique de l’éloge, Gallimard, Nrf, 2009.
(« Claudel à jamais » est également paru dans le Bulletin de la Société Paul Claudel n° 178 de juin 2005.)

Clément PIEYRE

« Le fonds Paul Claudel au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France », p. 19 (renvoi 1).